Le visiteur

Bon ben voilà. Il a fini par entrer par effraction dans notre petit nid, ce vaurien.

Pourtant, c'est pas faute d'avoir fait attention. Je sue du gel hydroalcoolique.

Bon, faut dire que la semaine passée, on s'est laissé un peu aller avec la soeurette.

Des bisous, des accolades, des partages gourmands. Du coup, j'étais en confiance.

C'est ma soeur quand même?

Ne jamais faire confiance. Surtout en la famille.

Ca s'est passé un vendredi. Elle m'a téléphoné, l'air grave. Pas fière la frangine.

Bon ben voilà, j'ai fait un test ce matin et il est positif. Elle me balance ça comme ça. 

Moi, je suis toujours au lit. Avec ma chérie. 

Et là, c'est le film de ma fin de vie qui défile dans ma tête. Je me vois, là, couchée sur le ventre, mon gros derrière en l'air. La dernière image que j'offrirai à ma fille...Ma petite fille deviendra anorexique.

Comment se porte ma soeur? Aucune idée...

Bref. Et moi?

Et moi...condamnée à attendre l'apparition des premiers symptômes.

Que j'aurai aimé être fille unique...

J'ai embrassé furtivement la canaille, priant pour ne pas la contaminer. 

Je l'ai regardé s'éloigner vers l'école le coeur serré. La reverrai-je?

J'ai refermé la porte et ai pu, enfin, hyperventiler tranquillement.

La journée fut longue et éreintante. Scruter le moindre signe du mal c'est harassant.

Le pire restait à venir.

La progéniture de retour, m'annonca qu'elle avait " super mal à la tête"!!!!

Que j'aurai aimé être stérile...

L'étau se referme.

Un coton tige plus tard, la sentence tomba : positive.

Mon corps se mit à trembler.

Comment se sentait ma petite fille? Aucune idée...

Un peu mal à l'aise par rapport à ses camarades de classe à qui elle explique ( fermement ), fréquemment ( tout le temps), comment se protéger du virus. L'arroseur arrosé.

Bref. Et moi?

Comment allais-je isoler une petite fille de 10 ans qui comble de malchance éprouve un attachement certain pour moi? 

Avec un courage qui force l'admiration, j'ai décidé de la garder.

J'ai dormi dans la même pièce qu'elle... Oui, je sais, mais que voulez-vous, l'amour maternelle c'est plus fort que tout.

De temps en temps, je lui enlevai le casque de plongée pour qu'elle fasse un câlin à son papa.

Bref. Et moi?

C'est d'abord la fièvre qui est apparue. 38 sans me vanter. Sous le bras. Imaginez plus bas.

La tête aussi. Un mal inexpliquable.

Et pourtant. le test PCR se révela négatif.

Pourtant, je le sentais. Le mal était en moi.

Le médecin, me rassura. Vous l'avez mais il n'est pas encore détectable. Faut qu'il monte dans le nez.

Du coup. Je l'ai attendu. Au taquet.

Et puis, un matin.

Encore un matin.

Un matin pour rien.

Et puis, un matin.

Encore un matin.

La foire dans le renifloir.

Le coton tige au fond du tarin.

Le verdict sans appel : infectée.

J'ai embrassé la canaille le coeur léger.

Du coup. Positive pour positive, on se dit quon va avoir le pass sans se doser.

Y a plus qu'à ce que Pimentdoux nous nettoie les naseaux à coup de langue.

Il semble moyennement motivé. Moyenne base.

Du coup, il se récure le nez au bâtonnet chaque jour et chaque jour il passe à côté de son pass.

On soupçonne mister covid d'être un chouia raciste.

Et moi? Comment je me sens?

Et bien, sans vouloir faire la maligne, je gère cette épreuve avec bravoure et courage. Il est vrai que je ne suis pas du genre plaintive.

Et les filles?

Elles vont bien. Elles sont retournées au turbin avec entrain pour une et chagrin pour l'autre.

Moi, je suis en quarantaine pour le travail et en congé pour moi.

Merci qui?